Extrait d’un interview d’Imago France auprès de Michèle Spina, pour un article à propos de la Théorie Polyvagale  –

Qui a développé la théorie polyvagale ?  

La théorie polyvagale a été développée par Stephen W. Porges, un neuroscientifique américain, dans les années 1990. Elle propose une nouvelle compréhension du système nerveux autonome (SNA) et en particulier du rôle du nerf vague dans la régulation de nos états émotionnels et sociaux.

Comment le système nerveux autonome influence-t-il nos états émotionnels et nos comportements sociaux selon la théorie polyvagale ?

Notre Système Nerveux Autonome réagit en permanence à notre environnement pour évaluer notre niveau de sécurité sans que cela passe par notre conscience. C’est le concept de neuroception. 

De manière inconsciente, automatique et très rapide, notre SNA scanne notre environnement physique et relationnel traquant les dangers potentiels pour notre survie. Il évalue notre niveau de sécurité en comparant ce qu’il capte avec notre base de données interne. (=> d’où nos différences de vécus dans les mêmes situations)

Il a une grande influence sur nos sensations corporelles, notre langage non verbal, nos états émotionnels et nos comportements sociaux à travers différents circuits selon qu’il interprète danger ou sécurité. 

Le SNA a trois réponses hiérarchisées face au stress ou à la sécurité :

  1. La voie vagale ventrale (sécurité, connexion sociale) :
    • Active quand on se sent en sécurité.
    • Permet la régulation émotionnelle, l’engagement social, la communication.
  1. La voie/système sympathique (mobilisation, combat/fuite) :
    • Activée quand il y a une menace perçue.
    • Génère anxiété, colère, agitation, tension.
  1. La voie vagale dorsale (immobilisation, dissociation) :
    • Réponse à un danger extrême.
    • Conduit au repli, à l’engourdissement, à la dissociation, à l’effondrement.
    • C‘est comme une échelle interne qui se monte et descend automatiquement au grès de mes activités et rencontres. Et pour passer du bas à savoir le repli/le dorsal dérégulé, il faut repasser par le sympathique/du mouvement afin d’accèder à la voie vagale ventrale de la sécurité et la connexion sociale. 
    • En théorie polyvagale, les termes dorsal et ventral font référence à 2 branches distinctes du nerf vague. Chaque branche joue un rôle distinct dans la régulation du SNA. Ventral veut dire vers l’avant du corps, (la face).  Dorsal, c’est vers l’arrière (le dos). c’est pour distinguer l’origine anatomique des 2 branches du nerf vague dans le tronc cérébral.

    Quel est le rôle du nerf vague dans cette théorie ?

    Dans cette théorie, le nerf vague joue un rôle central. Schématiquement, c’est un nerf très long qui part du tronc cérébral et descend à travers le cou, le thorax et va jusqu’aux différents organes ( coeur, poumons, foie, estomac, intestins …  

    Il est donc responsable de la régulation de nombreuses fonctions corporelles. 

    Il est bidirectionnel. Ce qui veut dire qu’il envoie des informations du cerveau qui descendent vers le corps en fonction notamment de nos pensées mais surtout qu’il en remonte majoritairement du corps vers le cerveau. (80%). Ce qui va avoir un impact sur nos interprétations.

    Il influe directement sur nos réponses physiologiques face ou stress ou à la sécurité, facilitant ou inhibant notre état de calme ou d’activation. Il est le pincipal canal de régulation du système parasympathique. 

    Il a 2 branches principales :

    • La branche vagale ventrale d’évolution récente qui favorise la détente, la connexion et la sécurité
    • La branche vagale dorsale, plus primitive qui nous amène l’immobilisation ou la dissociation.

    Comment la compréhension de ces réponses peut-elle nous aider ?

    Cette compréhension de notre fonctionnement physiologique nous aide à :

    • Connaître et comprendre ces mécanismes pour mieux gérer nos réponses émotionnelles, améliorer la régulation du stress et favoriser des interactions sociales plus saines. 
    • Apprendre à identifier nos différents états (sécurité, hyperactivation ou figement….
    • Développer des outils de régulation pour soi ou pour accompagner les autre notamment en utilisant la respiration, l’ancrage, la co-régulation avec une personne qui sait rester calme et sereine.
    • Sortir d’un risque de pathologisation enfermant (et quelques fois jugeant): une personne « agressive/attaquante, anxieuse, fuyante ou dissociée » manifeste un manque de sécurité physiologique. Et je trouve que cela se marie bien avec Imago. 
    • Mettre de la conscience sur ce qui se passe en moi, l’impact sur notre relation et sur l’autre.
    • Ce qui m’invite dans l’accompagnement à adapter mon rythme à l’état physiologique de la personne ou du couple

    Pourquoi me suis-je intéressée à cette théorie?

    J’avais envie de comprendre mon propre fonctionnement, faire face aux défis que j’avais l’élan de réaliser. 

    Je cherchais une approche qui m’aiderait à relier corps, émotion, sensations et relation à la fois pour moi et pour aider les autres. 

    J’observais que je me sentais en difficulté pour accompagner certaines personnes. 

    Je percevais chez moi des états de stress, d’anxiété voire de dissociation selon certaines situations. Cela se traduit encore souvent par une difficulté à passer à l’action. Notamment quand je dois parler en public, poser une question dans une conférence, animer des ateliers…

    En voulant sortir de mes zones de confort, je pouvais soit paniquer, me tétaniser soit procrastiner ce qui m’évitait de m’y confronter. A ces moments là, comme lors de mon atelier à la dernière AG, une espèce de chaudière s’enflamme au niveau de mon plexus solaire. Je sens la chaleur monter jusqu’à ma tête. Je sens que je deviens cramoisie. J’ai l’expérience que si je laisse faire, au bout d’un moment mon cerveau se fige, je me retrouve dans l’incapacité de penser.  Aujourd’hui, j’ai la conscience qu’en fonction de mes expériences passées, mon SNA évalue cette situation comme dangereuse. Il se manifeste à moi par des somatisations que j’ai appris à décoder pour que je fuis. Cette conscience me permet d’avoir de choisir là où avant de manière automatique cela s’imposait à moi. Du coup je peux accueillir ce qui vient, respirer, m’ancrer dans le sol en étant attentive aux sensations de mes pieds qui elles sont bien dans le présent.

    Et ce que je découvre, c’est qu’au fil des répétitions, comme dans un entrainement sportif, mon système nerveux apprend et se calme de plus en plus.

    Comment cette approche m’aide dans l’accompagnement que je propose?

    Cette approche me permet de tenir compte de l’état physiologique des personnes, leur amener de la psycho-éducation et co-créer ensemble des interventions plus adaptées.

    En début de séance, je m’applique dès la centration à apaiser mon propre système nerveux pour qu’il puisse co-réguler avec celui des personnes présentes. 

    Si à un moment je sens que de la réactivité se manifeste chez moi, je vais dire au couple que j’ai besoin d’une toute petite pause pour m’auto réguler. Je recule ma chaise, mets ma main à l’endroit où je ressens de l’activation, m’accueille, respire m’ancre. Très souvent je nomme au couple ce que je fais. Cela leur montre comment il est possible de s’accueillir, de prendre soin de soi, prendre soin de la relation et de l’autre. 

    Et je reconnais que ces blocages émotionnels ne sont pas d’origine mentale ou volontaire mais viennent d’une activation complètement autonome, ce qui facilite souvent leur compréhension.

    Quel est l’intérêt d’être formé à cette théorie?

    L’histoire que je me raconte c’est que vous commencez à voir tout l’intérêt de se former à  cette théorie si vous avez eu la patience de me lire jusque là.

    En étant formée, j’ai un modèle clair et pratique pour comprendre les comportements émotionnels et sociaux. J’apprends à développer des compétences de régulation somatique et émotionnelle que je peux transmettre de façon simplifiée et inviter les personnes à aller plus loin en regardant des vidéos sur youtube. 

    En l’enseignant aux couples, cela permet de normaliser certaines stratégies d’adaptations notamment la tortue et le petit singe. Les couples comprennent assez vite que non, si la réactivité s’invite, la personne ne le fait pas exprès. Ce n’est ni contre le partenaire ni contre moi. Que le système nerveux capte d’infimes signaux qu’il interprète comme dangereux et réagit en conséquence. 

    C’est  l’occasion d’offrir un cadre sécur et bienveillant, respectueux du corps qu’ils peuvent apprendre à transposer à la maison.

    En étant attentifs aux sensations physiques, ils ont la possibilité de devenir plus curieux de leur monde intérieur, mettre de la conscience sur leurs sensations pour garder le lien plutôt que de le couper.

    Et nous pouvons réaliser quelques séances à explorer leur non-verbal et l’impact qu’il a sur chacun.

    Comment faire pour se former ? quelles sont les ressources intéressantes et facilement accessibles ?

    Il existe plusieurs options :

     

    • Lire des livres sur le sujet. 
    • En tapant sur le moteur de recherche youtube : théorie polyvagale, vous aurez plein d’informations gratuites. Vous trouverez beaucoup de webinaire, podcasts. Vous avez aussi la chaine de vulgarisation de Julien Renault mais ce n’est pas la seule.
    • La chaine Quantum Way est une mine d’or pour des personnes curieuses qui aiment découvrir et apprendre. Il y a des entretiens et des conférences gratuits, des petits modules d’initiation très abordables. 
    • Personnellement, j’ai commencé par me former en Intelligence Relationnelle avec le Dr François Ledoz. J’ai écouté toutes sortes de conférences, suivis quelques modules en ligne avec Stephen Porges et Deb Dana. Présentement, je me forme à la thérapie Sensori motrice qui est très en lien avec le SNA, les traumatismes, les effets somatiques et comment les accompagner en douceur. J’imagine intégrer cela à travers des dialogues Imago.  J’envisage aussi, dans quelques mois, suivre leur parcours long de formation car je les trouve passionnants. 

    Proposition d’introspection seul, ou de dialogue avec son conjoint ( avant de démarrer, prendre soin de soi, respirer profondément plusieurs fois. Un conseil : prendre un cahier pour y noter vos pensées, vos remarques).

    • Quand la réactivité s’invite en moi, je me sens…
    • Face à un défi, ce que je me vois faire c’est…
    • En comprenant mieux mes mécanismes de défenses, ce qui se passe pour moi, c’est…